Sans amour, sans sagesse, une longue vie devient un enfer interminable pour les autres

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Homélie du Père Etienne NEMI

« Demande ce que je dois te donner. »

Quelle belle opportunité le Seigneur nous offre en ce dimanche ! Comme à Salomon dans la première lecture, il nous laisse, à nous aussi, le soin de choisir, nous-mêmes, ce dont nous avons le plus besoin en ce moment pour mener à bien notre vie.

Notre rêve n’est-il pas d’avoir ce que nous voulons ? Si nous avions une chose, une seule, la plus importante, pour notre vie, à demander au Seigneur, quelle serait cette chose ? Certainement, dans notre esprit, plein de choses se bousculent déjà au point où nous ne savons plus exactement ce qu’il faut choisir, ou ce à quoi il faut renoncer. Nous avons surtout peur de gaspiller une telle aubaine. Et à juste titre.

Nous pouvons le constater, notre réponse est loin d’être évidente. Contrairement à l’homme et au négociant de l’évangile qui, eux, ont très vite reconnu, qui son trésor, qui ses perles fines, et ont tout quitté ou vendu sans regret, le risque pour nous c’est de ne pas savoir ce qui est réellement le plus important pour nous, et de faire un choix qui nous laisserait forcément sur notre faim, avec des regrets…

Si cette question n’est pas évidente pour nous, pour le Seigneur, elle est un risque. En effet, cela a toujours été risqué de donner à l’homme le pouvoir de faire ce qu’il veut, d’avoir ce qu’il veut. Chaque fois que ce pouvoir lui a été laissé, l’addition pour les autres, pour le monde, a souvent été salée, et on est même souvent allé à la catastrophe. Si tous nos phantasmes se réalisaient, on n’est pas sûrs que le monde en deviendrait un paradis, et que soi-même on en serait forcément plus heureux. Les lois dans nos sociétés n’ont-elles pas pour but d’éviter que chacun fasse ce qu’il veut, parce qu’on est bien conscient que ce qu’il veut n’est pas toujours bon ni pour lui-même, ni pour les autres ?

C’est donc une marque de la confiance que le Seigneur nous fait, malgré les risques. En félicitant Salomon de n’avoir pas choisi comme les autres, le Seigneur dévoile en même temps les choix parfois inquiétants de l’homme : « Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis… ». De longs jours, la richesse, la mort des ennemis… Voilà à quoi ressemblent souvent nos demandes, nos vœux les plus chers.

Ceci ne nous rappelle-t-il pas le choix que fit la fille d’Hérodiade quand, ayant bien dansé devant Hérode, l’opportunité lui fut donnée de demander ce qu’elle voulait ? Sous l’instigation de sa mère, elle ne demanda rien de moins que la tête de Jean-Baptiste sur un plateau. Ce qui fut fait. Combien de têtes tomberaient aujourd’hui si on nous donnait la possibilité d’avoir ce que nous voulons ?

Et que dire du choix de cette foule dont le cœur bouillonnait de haine mélangée à la déception pendant la passion : « Crucifie-le ! » Combien seraient aujourd’hui, comme Jésus, crucifiés s’il nous était donné la possibilité d’avoir ce qui nous tenait à cœur !

C’est à cela que conduit parfois l’opportunité donnée à l’homme, dont le cœur n’est pas toujours bon, d’avoir ce qu’il veut. C’est donc notre cœur, parce qu’il n’est pas toujours bon, parce qu’il n’aime pas toujours, parce qu’il hait même parfois, parce qu’il est égoïste, qui rend nos choix inquiétants et dangereux et par conséquent, cette initiative du Seigneur risquée.

Le mérite de Salomon est d’avoir compris cela et d’avoir demandé une seule chose : un cœur attentif, éclairé : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal. » En demandant le discernement, Salomon choisit d’être éclairé par celui qui aide à faire le bon choix, le choix juste, le choix utile pour tous. C’est cela la sagesse : être éclairé dans ses actions et par l’Esprit de Dieu. Nous retrouvons les mêmes paroles dans le psaume que l’on attribue généralement à Salomon : « Mon partage, c’est d’observer tes paroles, mon bonheur, c’est la loi de ta bouche. »

A la sagesse que demande Salomon, saint Paul ajoutera l’amour de Dieu. « Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien… »

Sans un cœur capable de discerner le bien et le mal, difficile pour nous de savoir où se trouve notre véritable bien, ce qui est notre trésor. Que le Seigneur vienne éclairer nos cœurs indécis.

Sans amour, sans sagesse, une longue vie devient un enfer interminable pour les autres. Sans sagesse, sans charité, la richesse, l’or, l’argent deviennent égoïsme, exploitation et mépris des autres, pauvreté et misère pour certains. Que le Seigneur mette de l’amour et de la sagesse dans le cœur de ceux qui détiennent et gèrent les richesses des peuples.

Sans sagesse, sans charité, la connaissance devient orgueil et mépris des autres. Que le Seigneur accorde sagesse, charité et humilité à tous les détenteurs de savoirs et de connaissances.

Sans sagesse, sans amour, le pouvoir et l’autorité deviennent domination, dictature, oppression, supplice pour les autres. Que le Seigneur mette de la sagesse dans les cœurs de ceux qui exercent le pouvoir et l’autorité sur les peuples.

Un cœur bon, éclairé par l’esprit de Dieu, capable de discernement, est plus précieux que toutes les richesses, que tous les pouvoirs, que toutes les connaissances. Et c’est lui qui fait de nos jours, de nos richesses, de notre pouvoir, un véritable trésor, une perle fine.

Oraisons du Père Anicet AWOUBA

🌿💐🌾 Seigneur notre Dieu, le don que tu nous fais est un trésor sans prix. Garde-nous de lui préférer des biens éphémères, libère notre cœur et rends-le capable de tout sacrifier pour obtenir le Royaume des cieux.